Dans le cadre de la célébration de la Journée Mondiale de la Santé (JMS), Yaovi Sronvie parle de la nécessité de promouvoir une santé universelle. Dans cette interview, le président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH Togo) s’est prononcé sur l’importance de cette journée, le pourquoi la CNDH s’intéresse aux questions de la santé et l’importance du thème retenu pour la célébration de cette année. Aussi revient-il sur les efforts de la CNDH à promouvoir le droit à la santé universelle au Togo.
Gapola : Monsieur le président, aujourd’hui le 7 avril 2023, la communauté internationale célèbre la journée mondiale de la santé. Pouvez-vous nous parler de cette journée ?
Yaovi Sronvi : Pour promouvoir la santé, les Nations unies ont créé le 7 avril 1948, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une institution spécialisée, dont la mission est de promouvoir la santé, préserver la sécurité sanitaire mondiale et servir les populations vulnérables. Cette date est retenue comme journée mondiale de la santé depuis 1950.
Dans son travail quotidien, l’OMS s’efforce de faire du droit à la santé une réalité pour tous en portant une attention particulière aux plus pauvres et aux plus vulnérables. C’est en cela que la célébration porte chaque année sur une question de santé publique spécifique.
Le thème choisi pour l’édition 2023, est « La santé pour tous ». Ce thème offre l’occasion de revenir sur les avancées en matière de santé publique qui ont contribué à améliorer la qualité de vie des populations au cours des sept dernières décennies. C’est également l’occasion d’appeler à l’action pour relever les défis qui se posent en matière de santé.
Pourquoi la Commission nationale des droits de l’homme s’intéresse-t-elle aux questions liées à la santé ? Autrement dit, quel est le lien entre la santé et les droits de l’homme ?
La constitution de l’OMS établit que “la possession du meilleur état de santé que toute personne est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain”. Les droits de l’homme sont des prérogatives inhérentes à la personne humaine. Ces prérogatives sont universelles et inaliénables, généralement reconnues à travers des lois ou instruments dont un des plus célèbres est la DUDH.
La réalisation du droit à la santé est étroitement liée à la réalisation des autres droits de l’homme, notamment le droit à la vie à l’alimentation, au logement, au travail, à l’éducation, etc. Il existe donc des liens connexes entre la santé et les droits de l’homme. Les violations ou la négligence des droits de l’homme peuvent avoir des conséquences graves sur la santé.
En tant qu’institution de promotion et de protection des droits de l’homme, la Commission se doit de contribuer à la jouissance du droit à la santé.
Le thème de l’édition 2023 est “la santé pour tous”. Que devrons-nous comprendre par la santé pour tous ?
Le Directeur général de l’OMS, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, a déclaré le 10 décembre 2017 que “le droit à la santé pour tous signifie que chacun devrait avoir accès aux services de santé dont il a besoin, au moment où il en a besoin et là où il en a besoin, sans être confronté à des difficultés financières. Personne ne devrait tomber malade ou mourir du seul fait qu’il est pauvre ou qu’il ne peut pas accéder aux services de santé dont il a besoin”.
Au fait, le droit à la santé comprend l’accès en temps utile, à des soins de santé acceptables, d’une qualité satisfaisante et d’un coût abordable. Pourtant, environ 100 millions de personnes dans le monde passent chaque année sous le seuil de pauvreté en raison de leurs dépenses de santé. Les groupes vulnérables ont tendance à supporter une part beaucoup trop élevée des problèmes de santé.
“La santé pour tous” est un thème évocateur qui interpelle chaque acteur à faire du droit à la santé un droit humain fondamental.
Peut- on espérer la santé pour tous un jour ?
La couverture sanitaire universelle est un moyen de promouvoir le droit à la santé et permet d’espérer un jour à la santé pour tous. En effet, le gouvernement togolais depuis un certain temps s’active à rendre effective la couverture sanitaire universelle à l’image entre autres de l’Institution national d’assurance-maladie du Togo (INAM) étendu à ce jour au secteur informel, de la contractualisation des hôpitaux du Togo, sans perdre de vue le dernier concours lancé par le gouvernement pour recruter uniquement les agents de santé.
Quels sont les textes en matière de droits de l’homme qui obligent les Etats à faire du droit à la santé une priorité ?
Le principal traité international des droits de l’homme relatif au droit à la santé est le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il ressort de son article 12 ce qui suit :
1. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre.
2. Les mesures que les Etats parties au présent Pacte prendront en vue d’assurer le plein exercice de ce droit devront comprendre les mesures nécessaires pour assurer :
a) La diminution de la mortinatalité et de la mortalité infantile, ainsi que le développement sain de l’enfant ;
b) L’amélioration de tous les aspects de l’hygiène du milieu et de l’hygiène industrielle ;
c) La prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres, ainsi que la lutte contre ces maladies ;
d) La création de conditions propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie.
Au plan régional, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, en son article 16 dispose que “Toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mental qu’elle soit capable d’atteindre. Les États parties à la présente Charte s’engagent à prendre les mesures nécessaires en vue de protéger la santé de leurs populations et de leur assurer l’assistance médicale en cas de maladie”.
Au plan national, le droit de jouir du meilleur état de santé est un droit consacré par la constitution togolaise en son article 34 en ces termes : « l’Etat reconnaît aux citoyens le droit à la santé. Il œuvre à le promouvoir ». De même, le code togolais de la santé énonce en son article 3 que « la protection et la promotion de la santé de la population ainsi que les prestations de soins et services relèvent de la responsabilité de l’Etat ». L’article 4 dudit code évoque que la protection de l’individu, de la famille et de la collectivité contre les maladies et les risques se fait à travers la mise en place des services de santé, la lutte contre les maladies, le développement des ressources humaines pour la santé, le développement et le soutien des programmes en matière de santé, etc.
Le principe de la non-discrimination reconnu dans divers domaines s’applique-t-il au secteur de la santé ?
Le principe de non-discrimination cherche à garantir que les droits de l’homme seront exercés sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation comme le handicap, l’âge, la situation matrimoniale et familiale, l’état de santé, le domicile ou la situation économique et sociale, etc.
Une approche de la santé fondée sur les droits de l’homme vise à ce que l’ensemble des politiques, des stratégies et des programmes de santé soient conçus de façon à améliorer peu à peu la jouissance par tous du droit à la santé. Toutefois, il faut signaler que l’interdiction de la discrimination ne signifie pas que les différences ne doivent pas être reconnues, mais seulement qu’un traitement différencié doit être basé sur des critères objectifs et raisonnables visant à rectifier les déséquilibres à l’intérieur d’une société.
Qu’est-ce que la CNDH fait pour promouvoir le droit à la santé ?
Dans sa mission de promotion et de protection des droits de l’homme, la Commission accorde une place importante au droit à la santé. C’est à ce titre qu’elle a créé une division chargée de la santé et de l’environnement et qui a d’ailleurs effectué des activités en ce sens.
A titre d’exemple, elle a organisé une rencontre d’échanges avec les acteurs clés du secteur minier de la préfecture de Yoto sur la problématique du droit à la santé en lien avec l’environnement le 7 avril 2022. Il s’agissait plus particulièrement de faire ressortir les impacts des problèmes environnementaux sur le droit à la santé, de sensibiliser les responsables des industries extractives sur les risques de leurs activités sur la santé des populations et les amener à développer une stratégie de gestion des déchets dans les entreprises.
Par ailleurs, pour marquer la journée internationale de la sécurité et santé au travail, la CNDH a effectué le 28 avril 2022, une visite dans des entreprises installées à Lomé et ses environs. L’objectif visé est de s’enquérir des dispositifs de sécurité et santé dans ces entreprises.
La Commission a en outre organisé le 03 novembre 2022 un atelier de sensibilisation des femmes et des hommes des organisations de la société civile et autres acteurs du secteur informel sur la maladie du cancer. A travers cette activité, la CNDH entend informer les participants sur les principaux facteurs de risques des cancers, les stratégies de prévention et de lutte contre le cancer ainsi que la prise en charge précoce de la maladie.
D’autres activités sont programmées pour être réalisées au cours de cette année notamment le monitoring des droits de l’homme dans des centres de santé et des sensibilisations sur diverses thématiques liées à la santé.
Quel est votre mot de fin
Je voudrais terminer sur cette exhortation de Mary Robinson, ex Haut-commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme qui dit ceci : « Le droit à la santé n’équivaut pas à un droit d’être en bonne santé et ne signifie pas non plus que les pays pauvres doivent mettre en place des services de santé coûteux qui dépassent leurs moyens. Mais, en vertu du droit à la santé, les gouvernements et les autorités sont tenus de mettre en place des politiques et des plans d’action qui permettent à tous d’accéder le plus rapidement possible à des soins de santé. La réalisation de cet objectif est un défi que doivent relever à la fois la communauté des droits de l’homme et les professionnels de la santé publique ».
Tous les acteurs doivent aussi jouer leur partition pour que le droit à la santé pour tous devienne une réalité dans notre pays.
Je vous remercie !